« Comment fonctionne le système politique en Chine ? » ou la domination totale du Parti communiste sur le pays

Récemment, le Parlement de la Chine a adopté un nouveau plan quinquennal pour orienter l’économie jusqu’en 2020. Le Parlement chinois s’était en effet réuni pendant quelques jours afin de fixer les grandes orientations économiques d’une Chine qui subit un brutal coup d’arrêt. Même si la Chine fait actuellement partie des plus grandes puissances mondiales, on connaît peu de choses de son système politique en France, mis à part le fait que c’est une dictature communiste pas très friande des libertés. C’est pourquoi nous allons voir, dans les grandes lignes, le fonctionnement du système politique chinois. Et je peux vous garantir que ce n’est pas ce que l’on pense, d’autant plus que c’est assez semblable à celui de la Corée du Nord.

Partis, libertés et autres généralités :

Comme à peu près tous les États du monde, la Chine a une Constitution qui régit le fonctionnement de ses institutions ; ce texte date de 1982, et a connu plusieurs révisions, dont celle de 2004, la dernière en date. Cette Constitution affirme que les citoyens chinois peuvent s’exprimer librement, dispose de libertés individuelles, en gros le texte garantit la plupart des libertés essentielles, dans la pratique c’est une autre histoire sur laquelle il n’y a pas besoin de revenir. La Constitution consacre aussi l’Assemblée nationale populaire (ANP) comme organe suprême du pays, tout en mettant l’État au centre de tout, un État dominé par le Parti communiste chinois (PCC).

Contrairement à une idée répandue, il n’existe pas un seul et unique parti, le PCC, en Chine. Il en existe huit en tout. Tous sont regroupés au sein de la Conférence consultative politique du peuple chinois, y compris le PCC. Même s’ils existent et sont tolérés, ces partis sont mis à l’écart pour ne pas faire d’ombre au PCC, ou tout simplement le concurrencer. À noter que tous ces partis ne sont pas favorables au régime : on trouve ainsi des restes du Guomindang (le parti nationaliste qui a dirigé Taïwan) ou d’autres partis moins favorables au PCC. Mais du fait de leur mise à l’écart, ils n’exercent quasiment aucune influence et aucun pouvoir dans le jeu politique.

Enfin, les Chinois votent. Ou du moins, ils votent à un échelon local. En effet, les citoyens n’ont aucune prise sur les dirigeants nationaux qui sont élus indirectement. Cependant, ils peuvent élire (de façon extrêmement contrôlée) leurs cantons (une division administrative semblable à chez nous), leur bourg (une division du canton) ou encore leur village. Ces élections demeurent cependant contrôlées par Pékin. Les citoyens n’ont aucune prise sur la politique nationale puisque leurs dirigeants nationaux sont élus indirectement.

Le pouvoir législatif, ou la démesure totale :

 Sur le papier, l’Assemblée nationale populaire est l’organe le plus puissant de l’État chinois. En théorie, elle vote les lois, le budget, élit président/secrétaire du Parti, vice-président et Premier ministre, et peut même se lancer dans des révisions constitutionnelles lors d’une réunion d’une dizaine de jours par an. En pratique, elle est totalement soumise aux ordres du PCC. Son mode d’élection est assez complexe puisque les membres de l’APN sont élus par les assemblées provinciales, elles-mêmes élues par des assemblées de rang inférieur, et cela jusqu’à l’assemblée qui est élue directement par les citoyens ; on a rarement vu aussi indirect comme système. Mais surtout, l’APN est composée de 2 987 membres. Non ceci n’est pas une blague. Même si la Chine est le pays le plus peuplé du monde, ce chiffre est tout simplement énorme.

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Dites-vous bien que sur cette photo on ne voit qu’une partie de l’Assemblée.

En réalité, c’est le Comité permanent de l’APN, dirigé par Zhang Dejiang, qui détient le pouvoir législatif, et heureusement il n’est composé que de 175 membres. Ce Comité fait les lois (un travail habituel en somme), mais peut aussi se charger des révisions constitutionnelles, et dispose d’un pouvoir judiciaire d’interprétation des lois et même de la Constitution, quand il ose l’utiliser. Ce Comité a en réalité les fonctions d’une assemblée classique, et cette version réduite de l’APN est en réalité la seule vraie assemblée qui gouverne en théorie. En pratique, le législatif est soumis à l’exécutif, et encore plus au PCC.

L’exécutif/le Parti, ou l’autorité totale et absolue :

Comme souvent dans les régimes politiques actuels, l’exécutif prend le pas sur le législatif, un constat encore plus frappant dans les régimes communistes. En Chine, l’exécutif est assez particulier, même s’il ressemble à un exécutif bicéphale classique.

Tout d’abord, il y a le président de la République populaire de Chine, Xi Jinping, qui est le chef d’État et qui est celui a qui tout le monde déroule le tapis rouge à l’étranger. Le président, assisté par un vice-président, est élu par l’APN pour 5 ans (renouvelable une fois) au cours d’une élection qui ressemble à une simple formalité. Avant d’être élu, le président est généralement élu secrétaire général du PCC, de façon à éviter la concurrence entre deux postes de poids. Le président dispose des attributions classiques d’un président, sans compter le fait qu’il est secrétaire général du PCC, et a donc la main mise sur toute la politique du pays. Le président chinois est en même temps le président de la Commission militaire centrale, l’organe qui dirige l’Armée populaire de libération, ce géant militaire qui compte plusieurs millions d’hommes. Cette Commission est, comme en Corée du Nord, l’un des organes les plus importants du pays (vu le poids qu’a l’APL dans le pays), ainsi Deng Xiaoping s’est contenté de la diriger pour avoir un pouvoir total sur le pays, réprimant notamment les manifestations de la place Tian’anmen. Le président cumule donc la casquette présidentielle avec celle de secrétaire général du Parti et de président de la Commission militaire, l’objectif étant d’éviter les luttes de pouvoir au sommet entre les trois plus hauts postes du pays.

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On sent l’amusement qui règne entre le président et le Premier ministre.

Vient ensuite le Premier ministre (ou de son vrai nom « Premier ministre du Conseil des affaires de l’État de la République populaire de Chine »), nommé lui aussi par l’APN avec un mandat calqué sur celui du président ; le titulaire actuel se nomme Li Keqiang. Le Premier ministre gouverne conjointement avec le président (on parle d’administration Xi-Li pour la Chine aujourd’hui), mais reste l’homme le plus important dans le gouvernement. Disposant en plus du pouvoir réglementaire et nominatif traditionnel d’un Premier ministre, il est surtout le dirigeant du Conseil des affaires de l’État. Ce Conseil, que l’on peut abréger en Conseil d’État, est le principal organe dirigeant du pays. Théoriquement subordonné à l’Assemblée, il la domine en réalité, tout en étant lui-même dominé par le Parti. C’est une sorte de gouvernement qui ne dit pas son nom, mélangé à un conseil des ministres restreint : il regroupe en effet le Premier ministre, ses vice-premiers ministres, et une cinquantaine d’autres membres comme des ministres, des agences gouvernementales, des commissions, qui dirigent le pays. Le vrai pouvoir du Premier ministre chinois vient ainsi du fait qu’il dirige ce Conseil, véritable gouvernement, à la différence près qu’il ne rend des comptes à personne hormis au Parti. C’est plus le Conseil des affaires d’État qui dirige le pays, plutôt que le président ou le Premier ministre de leur côté.

Vous êtes toujours là ?

Alors que la Chine semble s’approcher de la crise économique, l’APN a fixé les grandes orientations que le pays devait suivre. Bien que son système politique s’approche de celui de la Corée du Nord, la Chine n’en demeure pas moins un peu plus soft, avec une sorte d’équilibre de l’exécutif puisque président et Premier ministre coopèrent et se concurrencent en même temps. Évidemment, j’ai simplifié au possible le fonctionnement des institutions chinoises pour en tirer les grandes lignes, j’aurais pu aussi parler du rôle important du pouvoir judiciaire, de l’État centralisé, mais qui tolère des autonomies régionales, etc. On remarque surtout que tout l’appareil politique chinois est verrouillé par le Parti communiste, et que les Chinois n’ont pas vraiment leur mot à dire dans la désignation de leurs dirigeants nationaux. Une situation qui semble les accommoder tant que la croissance économique est au rendez-vous. Or, avec une croissance qui risque de descendre en dessous de 6 % et une apparition du chômage, c’est tout le système politique chinois qui risque de trembler, et l’on pourrait s’attendre à des changements dans le fonctionnement des institutions.

P.S : la Constitution chinoise actuellement en vigueur est ici http://patrick.doan.pagesperso-orange.fr/constitution.htm.

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