Israël : le nationalisme menace la sécurité de l’État hébreu

Je l’avoue, au début j’étais très réticent à faire un article sur Israël. Le sujet est tellement tendu et complexe, qu’il suscite instantanément des réactions passionnées de la part du public, réactions qui ne sont pas toujours rationnelles ou réfléchies. Mais face à la flambée de violences qui secoue la Cisjordanie, de ses relations quasiment inexistantes avec la Palestine, de son gouvernement qui fait un peu n’importe quoi en politique extérieure ou encore de l’État Islamique qui se joint à la longue séries des menaces envers l’État hébreu, je me suis dis que le moment était peut-être bien choisi pour écrire quelque chose là-dessus. Il conviendra de rester le plus objectif possible tout en étant assez critique envers la politique que mène Israël en ce moment, car force est de constater que cette politique n’avantage personne, et surtout pas le gouvernement israélien qui en prend plein la poire. On va aussi éviter de sombrer dans la critique pro-palestinienne du type Dieudonné-Soral qui considère Israël comme un État illégitime, mangeurs d’enfants et successeur de l’Allemagne nazie qui manipule le monde à sa guise. Le fait d’atteindre un point Godwin dès le premier paragraphe n’augure rien de bon pour la suite.

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Israël c’est tout d’abord un État fondé sur le sionisme, et cela influe encore beaucoup aujourd’hui. Mais qu’est-ce donc que cela me direz-vous ? Le sionisme est une idéologie nationaliste prônant l’existence d’un État juif, laïque de préférence, sur la terre ancestrale d’Israël ; cette idéologie a vu le jour au XIXe siècle, alors que les Juifs s’en prenaient plein la face dans l’empire russe. Ce nouvel État était donc vu avant tout comme un moyen de protéger le peuple juif d’une Europe qui n’était pas franchement amicale. De nos jours, le sionisme se scinde entre le post-sionisme, qui prône un État laïque et une reconnaissance de la Palestine (ou du moins une normalisation des relations), et le néo-sionisme, qui souhaite tout simplement que les Arabes prennent leurs valises et partent chez leurs voisins ; cette dernière version est dominante à l’heure actuelle mais les deux mouvements sont en lutte permanente. Le néo-sionisme peut être vu comme une version fondamentaliste et intolérante du sionisme et qui explique les prises de position de la droite israélienne.

Faisons ensuite un peu d’histoire. Israël est né en 1948 de l’ancienne Palestine mandataire sous contrôle britannique à la suite d’un plan de partage foireux de l’ONU, de Britanniques qui fuient la région et d’une guerre civile entre Juif et Arabes. À l’issue de cette création, le nouveau pays est mal accepté dans un Moyen-Orient en pleine décolonisation et qui commence à carburer au nationalisme arabe (ou panarabisme), le tout sur fond d’exode de centaines de milliers de Palestiniens vers les pays voisins. Inséré dans une région hostile, l’État hébreu affrontera trois guerres avec ses voisins arabes : celle de 1948 juste après sa création où il sort vainqueur à la surprise générale ; celle de 1967, dite guerre des Six Jours, où Tsahal attaque et démonte les armées arabes en six jours top chrono et qui débouche sur l’annexion de plusieurs régions par Israël ; et enfin celle de 1973, dite guerre du Kippour, qui débouche sur une sorte de statu quo où les deux camps se disent vainqueurs. Depuis les États arabes voisins se sont calmés, conscients qu’attaquer Israël leur faisait prendre trop de risques. Depuis Israël a progressivement normalisé ses relations avec ses voisins égyptiens, jordaniens et syriens, mais doit faire face aux conflits avec les populations palestiniennes sans État. Même si de nombreux accords de paix ont amélioré la situation (on pense notamment aux accords d’Oslo en 1993), le conflit est toujours tenace, d’autant que chaque camp se radicalise face à l’impasse actuelle comme en témoigne la guerre de Gaza en 2014. Sans oublier le fait qu’Israël est toujours perçu par certains comme un vassal, un pion de l’Occident dans la région, canalisant toute la rancœur portée contre lui par les extrémistes.

Aujourd’hui Israël est dirigé par le premier ministre israélien Benjamin Netanyahou ; le système politique israélien est tel que les coalitions sont obligatoires pour former un gouvernement stable, c’est donc une grande coalition de droite qui dirige Israël, et qui est composée de plusieurs partis :

  • Le Likoud, parti de Netanyahou, qui est parti conservateur plutôt hostile à la Palestine, le tout avec un soupçon de nationalisme.
  • Le Koulanou qui est un parti de centre-droit, assez progressiste dans certains domaines comme le mariage homosexuel ou le cannabis.
  • Le Foyer juif, un parti conservateur, nationaliste, xénophobe et fondamentaliste classé à l’extrême-droite.
  • Shas, un parti de religieux ultra-orthodoxes (donc pas très commode), populiste mais plus axé sur le social en ayant une position floue concernant la Palestine.
  • Et enfin le Judaïsme unifié de la Torah, qui est aussi un parti ultra-orthodoxe, opposé à la laïcité tout en étant très conservateur.

C’est donc tout ce beau monde qui forme l’un des gouvernements les plus à droite de l’histoire d’Israël. Si je vous dis cela, c’est parce que cela explique en partie la situation internationale dans laquelle se trouve l’État hébreu : à savoir, une communauté internationale de plus en plus critique face à l’intransigeance israélienne vis-à-vis de la Palestine.

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Et dans la catégorie « Réponse militaire disproportionnée »

On pourrait être tenté de justifier la répression israélienne par le fait que le pays se situe dans une région hostile où au mieux son existence est ignorée, au pire on cherche tout simplement à le rayer de la carte. Et même si le carburant anti-israélien du nationalisme arabe a fait son temps (comme le nationalisme arabe d’ailleurs), il n’en reste pas moins que la région ne demeure pas franchement favorable à Israël : que ce soit l’Iran, la position ambiguë de la Turquie, la Syrie ou les groupes islamistes violents, le Hamas, Israël se sent entouré de menaces. Cet encerclement il tente de le rompre par la force : il n’hésite pas à réprimer de manière brutale tout ce qu’il considère comme une menace pour sa sécurité. Il suffit de voir pendant la dernière guerre de Gaza : l’armée israélienne a déployé chars, avions de chasses et bombardements intensifs contre les roquettes du Hamas, sachant que le Dôme de fer intercepte en grande partie tout missile tiré vers le sol israélien. En cas d’attentats, ce sont des arrestations musclées qui se déroulent dans les milieux palestiniens, et des détentions parfois arbitraires. Ces réponses fortes sont censées envoyer une mise en garde aux groupes hostiles à l’État hébreu qui s’aviseraient de commettre une attaque contre lui ; mais la communauté internationale a de plus en plus de mal à cautionner de telles actions, et c’est sans compter la propagande et l’instrumentalisation des victimes par les militants pro-palestiniens.

Israël s’enfonce de plus en plus dans le nationalisme, la xénophobie et l’autoritarisme vis-à-vis des Palestiniens, s’attirant la colère de l’opinion publique. On pourrait comprendre qu’Israël réponde de manière ferme aux menaces qui pèsent sur son territoire, mais ces réponses sont de plus en plus disproportionnées et exagérées. L’opinion publique israélienne ne sens pas en sécurité, et face à cela le gouvernement déploie les grands moyens. La société israélienne est une société dominée par la peur de son voisin, de tout ce qui n’est pas israélien. Le gouvernement en profite pour faire tout et n’importe quoi pour rassurer une population ; or la répression ne fera qu’entraîner la violence. Le gouvernement s’engage dans un cercle vicieux en refusant toute négociation de paix ou tout apaisement de ses relations extérieures. On va éviter de parler du problème des colonies en Cisjordanie.

Le gouvernement israélien s’étonne de se voir critiqué à travers le monde, de voir que l’opinion publique qui lui est progressivement hostile. Cette incompréhension résulte du refus de voir que la politique qu’il mène lui porte plus préjudice qu’autre chose, le nationalisme n’apporte jamais rien de bon et surtout pas au Moyen-Orient. Auparavant soutenu par l’Occident sans aucune réserve, Netanyahou et sa politique forte ont poussé les États-Unis à s’éloigner de leur ami historique, et les États membres de l’Union Européenne à apporter des réserves à leur soutien habituel. Et ce n’est pas le fait de taxer chaque critique d’antisémite que cela arrangera les choses, bien au contraire. Si Israël persiste dans cette voie, alors il sera de plus en plus isolé sur la scène internationale ; et étant donné le contexte de plus en plus tendu de la région, il y a fort à parier que ce phénomène se produira. C’est la sécurité même d’Israël qui est en jeu avec cette politique de Netanyahou.

Il ne s’agit pas de charger Israël de manière gratuite. En effet la Palestine, et son simulacre de gouvernement n’est pas exempt de reproches qui sont réservés pour un prochain post. Mais Israël s’aventure de plus en plus sur un terrain dangereux en répondant de manière disproportionnée à toute menace qui pèse sur sa sécurité. Outre l’image du pays dans l’opinion publique mondiale, c’est surtout sa propre sécurité qui est en jeu avec la menace que représente l’EI sur le pays étant donné que le groupe se nourrit notamment de la cause palestinienne et de l’hostilité des populations locales envers Israël, après plusieurs coups de propagande cependant. Israël s’enfonce de plus dans la violence à l’égard de la Palestine, un chemin qui ne pourra amener l’État hébreu que vers un chemin dangereux. Le nationalisme et la xénophobie gagnent du terrain en Israël, avec des risques pour le pays lui-même, mais aussi la stabilité de toute la région (faut-il rappeler la puissance de l’armée israélienne ?). En ce sens on peut se pencher sur la déclaration de l’ancien premier ministre Yitzhak Rabin :

« J’ai été un soldat pendant vingt-sept ans, j’ai combattu aussi longtemps qu’il n’y avait pas de chance de paix, mais je crois qu’aujourd’hui cette chance existe. Le peuple veut la paix et s’oppose à la violence car c’est la violence qui mine les fondements de la démocratie israélienne. Il faut la dénoncer, il faut l’isoler, il faut la vomir. .. .. . la voie de la paix est préférable à la voie de la guerre. »

Discours à Tel-Aviv le Samedi 4 novembre 1995
Yitzak Rabin

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